La Tradition Ngak’phang et l’Ordination Tantrique –

(extraits d’un article pour Vision – spring 1996, Issue 1)

par Ngak’chang Rinpoche

La tradition ngak’phang est haute en couleurs, individualiste et particulièrement hétérodoxe. Les ngakpas et les ngakmas en sont les membres ordonnés portant les robes ngak’phang. Ils ne sont ni monastique, ni profane ni encore ‘entre les deux’, et se plaisent à déjouer toutes tentatives de les caser dans le carcan autoritaire institutionnel. C’est une tradition de pratique parallèle à la sangha monastique mieux connue, et offre une chance aux occidentaux de s’engager sérieusement sur le chemin Bouddhiste sans pour autant devoir respecter le célibat.

La grande majorité des gens connaissant le bouddhisme sont au courant de cette image monastique dominante. Ils sauront qu’il s’agit là d’une forte tendance en orient qui se révèle aussi de plus en plus vrai en occident dans les centres les plus établis. Nombres d’occidentaux auront reçu des enseignements Bouddhistes de la part de moines ou de nonnes, ou encore de la part d’élèves profanes de maîtres monastiques. Certains auraient été d’anciens moines ou d’anciennes nonnes, d’autres encore des étudiants scolastiques de maîtres célibataires.

Nous acceptons qu’il s’agit bien là de la vision la plus répandue de la pratique bouddhiste mais tenons à présenter une images différente – pas seulement de la pratique du Tibet mais partout où l’alternative au monasticisme existe. Nous tentons de faire connaître en occident ces traditions plus obscures. Nous nous engageons à fournir l’accès à quelque chose de quelque peu caché…. Mais qui a existé depuis les début du Bouddhisme Tantrique en Inde – la tradition ngak’phang. Commençons donc par définir cette expression, la “Sangha Ngak’phang” …

Ngak est l’équivalent Tibétain de mantra en Sanskrit. Le mot mantra est traditionnellement compris de bien des façons – même à travers des concepts ‘new age’. Ne nous attardons pas à définir ‘mantra’ trop largement ou trop étroitement. Il suffit de dire que mantra signifie ‘ce qui protège l’esprit’, mais ngak a une signification légèrement différente. Ngak se traduit par ‘sort’, ‘mot’ ou ‘mot de pouvoir’ selon le contexte. Les publications de Sang-ngak-chö-dzong traduisent généralement ngak par ‘sort de conscience’ afin d’attribuer au mot son actuelle connotation d’utilisation. C’est un sort parce que quelque chose d’extraordinaire s’opère ; mais pas n’importe où : au niveau de la conscience. Conscience dans ce sens signifie rigpa – l’état de présence immédiate non-duel. Dans ce sens, ‘sort de conscience’ se rapproche de la définition de mantra – ce qui protège l’esprit.

Phang signifie ‘manier’. Phang signifie ‘détenir le pouvoir et l’autorité d’utiliser quelque chose’. Ou encore, avoir l’expertise et l’expérience requise pour accomplir quelque chose – l’outil dont il s’agit étant bien évidemment le ngak. Associés à cette expression on trouve les mots ngakpa et ngakma. Pa et ma signifient ce que leur sonorité évoque comme genre en français – masculin et féminin. Un ngakpa est donc un pratiquant masculin et une ngakma une pratiquante féminine. L’expression ngak’phang sangha signifie la communauté ngak’phang ayant pris des vœux. Nous utilisons le mot sangha parce qu’il est plus connu que le mot Tibétain ‘gëndun’ dans la communauté bouddhiste occidentale. Notre souci premier n’est il pas de communiquer?

Sangha est compris différemment selon les traditions. Certaines, dont la tradition Theravada et la l’école Gélug Tibétaine, l’interprètent comme signifiant l’assemblée de moines et de nonnes. D’autres traditions incluent tous les pratiquants actifs sous cette égide. S’il n’y avait que ces deux définitions, nous opterions pour la seconde. Heureusement, il en existe d’autres. Il est fréquent dans la tradition Nyingma de décrire l’ensemble des disciples d’un lama comme étant sa sangha. Cette définition est aussi utilisée dans les écoles Ka-gyüd et Sakya. C’est là une utilisation particulièrement habile du mot parce qu’il s’accorde bien avec le sens de communauté spirituelle, chose indispensable si le bouddhisme veut être de quelque utilité en occident. Mais ce mot est aussi utilisé pour décrire les deux sanghas qui prennent des vœux, la rouge et la blanche. La sangha rouge est celle comprenant des moines et des nonnes et la sangha blanche des ngakpas et des ngakmas. Cette dernière est propre à la tradition Nyingma. On trouve aussi des ngakpas et des ngakmas dans les traditions Sakya et Ka-gyüd, mais qui ne sont pas définis en tant que sangha. La caractéristique spéciale, donc, de la tradition Nyingma est qu‘elle reconnaît la branche ngak’phang comme étant équivalente et égale à la branche d’ordre monastique.